Dans mes choix de lecture fantastique, il est un genre que j’apprécie avec parcimonie, par petites touches, entre quelque livre fort et autre formidable saga. C’est un genre littéraire très populaire, vendu en quantités gigantesques, et j’entretiens avec une relation en dents de scie. D’un côté, il m’intéresse, me rend curieuse. Et de l’autre, je sais pertinemment que nos valeurs et principes ne se correspondent pas, en général. Seulement parfois, juste parfois, les étoiles s’alignent, nous trouvons un terrain d’entente et le mariage est heureux.
Ce genre, c’est le Young Adult (YA) – la littérature adressée aux adolescents et jeunes adultes. Et aujourd’hui, je vous parle de l’une des bonnes surprises de cette catégorie de l’Imaginaire.
Sue Lynn Tan est une autrice malaisienne, résidant aujourd’hui à Hong Kong. The Daughter of the Moon Goddess est son premier roman ; il a été publié en janvier 2022 et s’inscrit dans une duologie. Le second tome est appelé Heart of the Sun Warrior, il est sorti en novembre de la même année. Le premier tome a été traduit par les éditions Hugo Publishing – La Fille de la Déesse de la Lune – il sortira en mai 2023 dans nos provinces françaises (le deuxième tome n’a pas encore été annoncé, à ma connaissance).
La Fille de la Déesse de la Lune a fait partie de mes jolies découvertes de l’année dernière. Alors, à l’annonce de sa publication française à venir, j’ai eu envie de vous recommander ce roman.
Devenue déesse de la Lune malgré elle, Chang’e a interdiction de quitter l’astre et obligation d’illuminer les nuits, chaque soir. Chang’e protège un secret : l’existence de sa fille, Xingyin, qui a grandi avec elle sur la Lune à l’insu de l’Empereur Céleste. Mais un jour, les armées du dit Empereur viennent menacer Chang’e. A l’aide d’une servante fidèle, Xingyin parvient à s’échapper. Dès lors, la jeune fille se donne pour mission de libérer sa mère du joug de l’empire céleste. Nous débutons la quête à ses côtés.
I was no longer a child willing to drift with the ride – I would steer against the current if I had to. And if I won, by some miraculous stroke of luck, I would never be helpless again.
Je n’étais désormais plus une enfant, à la merci du fil de l’eau – je barrerai contre le courant s’il me le fallait. Et si je vainquais, par quelque miraculeux coup du sort, je ne serai plus jamais impuissante.
Dans ce roman inspiré de la mythologie chinoise, Sue Lynn Tan dévoile une plume florale et raffinée. Tout y est figure de style : allégories, métaphores, comparaisons, personnifications – les figures analogiques sont mises à l’honneur. Cependant, point trop n’en faut et l’autrice parvient à ne pas écœurer son·a lecteur·ice à trop en faire. Au contraire, ce langage a toute sa place dans un cadre formel, ancien, traditionnaliste de la mythologie chinoise. Dans le récit même, la politesse, l’étiquette et le respect social sont des paramètres importants et pris en compte avec justesse. De fait, si certains dialogues peuvent sembler guindés, ou manquant de naturel à nos yeux contemporains, je ne trouve pas que ce soit dû à un défaut de l’autrice, mais bien de la pertinence de sa part.
A glorious future beckoned on the horizon. Yet I still clung to a shred of my past, as a flowering peach blossom tree yearning for its fallen bloom.
Un futur glorieux appelait à l’horizon. Pourtant, je m’accrochais toujours aux lambeaux de mon passé, tel un pêcher en fleurs se languissant de ses efflorescences tombées.
Ajouté à ce style pertinent, Sue Lynn Tan a travaillé avec exactitude le rythme de lecture de son œuvre. En effet, La Fille de la Déesse de la Lune est une histoire de quête, d’aventure et de passage vers l’âge adulte. En somme, c’est un roman dont le présupposé indique des épreuves, des obstacles, des retournements de situation et autres joyeusetés. L’autrice remplit tout à fait sa promesse. La scène de départ elle-même est un très bon indice de ce qui sera trouvé tout au long des 500 pages : la fuite de Xingyin, le souffle court et dans l’urgence, vers des contrées plus favorables – on l’espère. La gestion du rythme de lecture est régulièrement là où faillent les jeunes auteur·ices, et dans le cas présent, Sue Lynn Tan nous emmène avec elle en toute facilité. De sous-quêtes en scènes apaisantes, aux épreuves à surmonter, l’autrice nous offre un roman très divertissant, aux liaisons solides, et très addictif. La Fille de la Déesse de la Lune se dévore sans faim et pour tout vous dire, j’y ai fait la peau en un weekend à peine !
La Fille de la Déesse de la Lune dépeint une Xingyin têtue, ambitieuse, exigeante et courageuse. Xingyin a un objectif en tête, une quête à satisfaire et rien ne saurait l’en détourner. J’ai trouvé très rafraichissant de lire cette figure adolescente savoir jongler entre le respect de l’étiquette et ne pas se laisser marcher sur les pieds ; être témoin de tentations, d’envies d’abandon parfois, de fatigue, et pour autant, ne jamais se défaire de sa mission. Xingyin sait toujours puiser dans son courage pour affronter une situation difficile, ou retrouver de la détermination, même quand tout parait lui barrer la route. Xingyin a le mérite de ses ambitions et de ses valeurs ; si elle doit parfois prendre des décisions difficiles, Xingyin le fait dans le respect de qui elle est, fidèle à elle-même en toutes circonstances. Bien sûr, comme toute adolescente, Xingyin fait des erreurs, s’entête à tort parfois – cependant, elle sait reconnaitre ses fautes et s’excuser en conséquence. Si parfois l’autrice flirte avec le cliché de la « fille-pas-comme-les-autres » pour se valoriser aux yeux d’un parti masculin, j’ai trouvé cependant qu’il ne transpirait pas trop dans le récit.
I would not yearn after what had been lost, impossible to regain. I would look to the days ahead, to the happiness which awaited me there… If only I were brave and steadfast enough to reach for it.
Je ne me morfondrai pas après ce qui a été perdu, impossible à retrouver. Je regarderai vers les jours à venir, vers les bonheurs qui m’attendaient au loin… Si seulement je faisais preuve d’assez de courage et de fermeté pour les atteindre.
Quant aux personnages masculins principaux, ils sont au nombre de… deux… Car il y a un triangle amoureux, bien sûr ! Et oui les ami·es, c’est un roman jeunesse, n’oubliez pas. Bon, disons les choses comme elles sont : il y a le prince adorable, plein de douceur et de gentillesse, et le chef militaire « mentor », mystérieux et valeureux. Alors, oui, ce sont des stéréotypes vus, revus, et re-revus dans la littérature Young Adult et c’est un levier à tension qui fonctionne très bien – on le sait. Personnellement, je n’ai plus d’attrait pour ces mécanismes-là ; ils ne m’attirent plus. De fait, je suis toujours méfiante lorsqu’ils pointent le bout de leur nez (on discutera du pourquoi dans une autre chronique, si vous voulez). Mais une fois de plus, La Fille de la Déesse de la Lune m’a été agréable. La romance présente dans le livre est bien amenée, se développe à un rythme correct, est représentative des défauts de l’âge adolescent. Et quand Xingyin se désintéresse de l’un des deux garçons, c’est avec légitimité, réflexion, et non juste une jeune fille en proie à deux rapaces qui se battent pour un bout de chair. Xingyin est décisionnaire, propriétaire de sa personne, de son corps et de ses décisions. De même, les deux personnages masculins – Liwei et Wenzhi – font preuve d’assertivité, respectent leur potentielle partenaire mais aussi leurs propres émotions, volontés et objectifs. Chaque personnage a son univers et ne l’abandonne pas pour la simple promesse d’une paire de beaux yeux. Et en cela, j’ai trouvé la romance racontée par Sue Lynn Tan réaliste, jolie, et tout à fait dans l’état d’esprit des âges de chacun des partis. La romance apporte juste ce qu’il faut aux mécanismes de suspens et n’empiète pas de manière nocive sur les personnages.
We each had our own burdens to bear and we alone knew their true cost, and whether we could pay it.
Nous avions tous nos propres fardeaux à porter et nous seuls savions leur véritable prix, et si nous pouvions le payer ou non.
La Fille de la Déesse de la Lune est un roman charmant, captivant, qui prend place dans un cadre peu présenté au grand public – la mythologie chinoise. N’étant pas moi-même connaisseuse de ces légendes, je ne saurais vous dire l’exactitude et le degré de réécriture de l’histoire de Chang’e, par Sue Lynn Tan. En revanche, je salue la volonté de rendre accessibles les différentes cultures imaginaires et de valoriser les contes asiatiques dans un monde euro et américano centré.
Titles are inherited, talent might be blood-bound, but true greatness lies within.
Les titres sont hérités, le talent peut être lié au sang, mais la véritable grandeur provient de soi.
Pour terminer, et puisque mon rôle ici est de l’ordre du conseil : je ne peux malheureusement pas recommander la lecture du tome 2 – Heart of the Sun Warrior. Le premier tome se suffit tout à fait à lui-même ; il abonde en évènements, et termine sur une résolution satisfaisante. Une suite n’était pas nécessaire. Et malheureusement, le tome deux tombe dans les écueils justement évités dans son prédécesseur. Heart of the Sun Warrior est de qualité très inégale, tant dans son rythme que dans son contenu narré. Le style y est très lourd, à friser les phrases de développement personnel ou typiques Tumblr. Et cette fois-ci, l’autrice embrasse les stéréotypes et clichés sexistes typiques de ce genre de littérature. Dommage.
Néanmoins, je maintiens ma recommandation de La Fille de la Déesse de la Lune et vous souhaite un chouette voyage au sein de l’Empire Céleste.
La bise les ami·es,
Et bon dimanche.

Alors je suis comme toi assez peu friande de fantasy Young Adult, justement parce qu’on y retrouve souvent trop de clichés à mon goût (celui de la petite romance notamment…). Pourtant, parfois, j’ai envie d’un truc un peu plus léger, qui se dévore plus vite, sauf que je sais jamais trop où se trouve la vraie qualité parmi tous ces titres qui, je trouve, se ressemblent souvent beaucoup… Merci beaucoup pour cette recommandation du coup, j’en prends bonne note, et je ne manquerai pas de me tourner vers celui-ci quand mon appétit de Young Adult se réveillera !
Hello dear,
Je partage totalement ton commentaire ici ! A mon avis, nous sommes beaucoup parmi les lecteur.ices de Fantasy / SF à rechercher la qualité parmi ces oeuvres plus légères et accessibles. A mon avis, tu trouveras la lecture de La Fille de la Déesse de la Lune à ton goût en plein été, et si ton cerveau a faim de romance. Il y a 2-3 autres romans YA qui arrivent sur le blog, dont une où je suis quasi sûre que ça va te parler ! Merci d’être là et de commenter !