Caché·es en pleine vue, les sorcier·es existent et la magie aussi. Anna, une adolescente londonienne, ne le sait que trop bien : depuis sa plus tendre enfance, sa tante lui répète combien il ne faut pas céder à l’appel de la sorcellerie. Après tout, c’est la magie qui a tué ses parents. Dans un an, pour ses 16 ans, Anna devra se faire lier : enfermer sa magie au plus profond de son être et ne plus jamais pouvoir y accéder. Mais lorsqu’une amie de la famille revient habiter sur Londres, Anna découvre les enfants de celle-ci : Effie & Attis. Les deux adolescents l’écœurent : ils utilisent leur magie sans se soucier de la garder secrète, mènent une grande vie sociale et se fichent du « qu’en dira-t ’on » … Tout autant que leurs pratiques la dégoûtent, Anna est attirée par leur présence éclatante de vie…
Pendant ce temps, d’étranges meurtres de sorcières ont lieu et font frissonner toute la communauté. Mais personne ne veut répondre aux questions d’Anna. Alors, qui est au courant de l’existence des sorcier·es ? Et qui leur veut ainsi du mal ?
C’est tout cela dont nous parle Cari Thomas dans son roman Threadneedle ! Publié en 2021, Threadneedle un roman de fantasy urbaine adressé aux adolescent·es et jeunes adultes. Il fait environ 550 pages et est le premier tome d’une trilogie. C’est aussi le livre par lequel a débuté la carrière de Cari Thomas. A ce jour, Threadneedle n’existe pas en version française ; croisons les doigts pour ce que ce soit le cas dans les années à venir.
Dans ce premier tome de la série « The Language of Magic », Cari Thomas traite une magie profondément ancrée dans les traditions qui nous sont bien connues – exit les baguettes magiques, capes d’invisibilité et autres pratiques imaginaires. Ici, l’autrice a effectué un grand travail de recherche sur la sorcellerie telle que nous la connaissons ; grimoires, traditions orales, sorts liés aux plantes, aux éléments naturels… Et cela fonctionne à merveille ! La magie de Threadneedle nous est familière et agréable ; avec elle, nous plongeons tout de go dans un univers qui nous apparait plausible et réaliste. L’autrice réussit le pari d’approfondir ce sujet, tout en ne nous assommant pas d’informations non plus. A l’image d’Anna, nous vivons la magie de Threadneedle comme un élément authentique et quotidien.
“Magic is the first sin. It must be bound.“
“La magie est le premier péché. Elle doit être nouée.”
L’histoire de Threadneedle prend principalement place dans un lycée où l’on voit évoluer nos différents protagonistes : Anna, Effie, Attis & Rowan. Il arrive fréquemment que les adolescent·es soient dépeint·es comme des « petits » adultes – leur caractérisation est la même, un âge très jeune leur a juste été attribué. Mais ici, il n’en est rien. Au contraire, l’une des grandes forces de Cari Thomas est sa capacité à rendre avec exactitude ce qu’est être adolescent/e. L’autrice démontre combien c’est un âge de trouble, d’interrogations et de remises en question de son environnement. Depuis l’enfance, Anna a baigné dans une culture où la magie est néfaste, douloureuse et difficile. La magie fait mal, doit faire mal et être débarrassée au plus tôt de nos corps. Cependant, la voici désormais en âge de douter de cette culture et de faire un choix : décider du bienfondé de cette philosophie ou bien la rejeter. Puisque c’est un monde dans lequel elle a grandi, ce doute ne peut être simple et vite décidé. Avec Anna, nous allons rechercher les différentes approches de la magie, ce qu’elle peut nous en coûter et faire des découvertes. De même, l’adolescence comporte la réalisation de l’envergure humaine de notre entourage adulte. Alors, subitement, Anna comprend que ses tuteur/ices sont des êtres humains comme les autres, et non pas des figures dénuées de tout défaut. Anna va observer la réalité de leurs vies : qui sont ces adultes tant aimés, quels sont leurs parcours, leurs limites… Là encore, Anna va se défaire du film protecteur de l’enfance et se frotter aux vérités de la vie.
“The fire finally crackled but it couldn’t chase the loneliness from the house, the loneliness that comes from the space between two people who have nothing left to say to one another. Two people are not quite a family.”
“Le feu crépita enfin mais il ne put chasser la solitude de la maison, la solitude qui vient de l’espace entre deux personnes qui n’ont plus rien à se dire. Deux personnes ne sont pas tout à fait une famille.”
Dans ce lycée londonien, Anna nous livre un portrait réaliste des différents profils et interactions sociales de la vie adolescente. Dans sa vie de sorcière, il n’y a rien de miraculeux : elle est une adolescente sous le joug d’une tutrice sévère au traitements abusifs. Anna est seule et Anna recherche la reconnaissance, la tendresse, l’amitié. Alors, Anna va se lier aux autres sorciers présents et bien sûr, Anna va faire des erreurs typiques de jeunesse. Et plus elle va se révéler, grandir, enfin se montrer – plus Anna va s’interroger quant à son identité, ses origines, son passé de petite fille. La magie n’a rien d’un conte de fée, et la vie d’Anna non plus. Cari Thomas raconte avec justesse combien la vie d’une adolescente peut être remplie, intense, immense et ce, sous le nez d’adultes aveuglés par leurs responsabilités et dysfonctionnements.
Dans ce premier tome, Cari Thomas nous livre un roman très bien réalisé, précis, juste et pertinent. Sa fin ne nous laisse pas sur un grand suspens ; l’autrice résout les interrogations levées, tout en nous préparant et nous donnant envie d’en savoir plus dans le deuxième tome à venir. Il est à noter que Cari Thomas a, depuis, publié une nouvelle au sujet du personnage de Rowan – de quoi nous faire patienter. Threadneedle est un roman confortable, bien maîtrisé, très authentique et qui nous emporte avec plaisir dans cette quête d’identité magique. C’est un bel exemple de roman pour jeunes adultes très bien réalisé et un vrai plaisir à parcourir !

Allez la bise les ami·es,
Bon dimanche.
À la manière dont tu en parles, il a l’air d’avoir quelque chose d’assez chaleureux, d’assez doux, malgré les thématiques pas toujours simples… En tout cas, pour changer, tu me donnes ultra envie de le découvrir !
J’ai une profonde tendresse pour ce roman et je suppose que cela se ressent dans la chronique ! Les romans YA respectueux de l’âge de leurs personnages ne sont pas si nombreux, et d’autant plus lorsque les sujets sont traités avec autant de justesse. J’aime beaucoup ce que l’autrice transmet à son jeune public.