Il faut bien être réaliste : ce blog s’adresse à un public niche. Non seulement le format blog n’est plus d’actualité, mais en plus, je vous parle de littérature de l’Imaginaire. Ajoutez-y, en plus, de la littérature anglosaxonne non traduite en français, et l’on obtient la recette pour rester invisible sur Internet.
Bon, ça tombe bien, je n’avais pas pour projet de devenir une grande star.
Cependant, cela m’apporte certains axes de réflexion quant aux livres sélectionnés pour mes chroniques. L’objectif étant de rendre accessible la littérature de l’Imaginaire au plus grand nombre, je ne peux donc m’orienter vers de seules lectures en VO. Nous ne sommes pas tous·tes des féru·es d’anglais. De fait, certains livres, dont j’aurais aimé vous parler, passent à la trappe. C’est le jeu, ma pauv’ Lucette.
Mais, de temps en temps, tombe une excellente nouvelle : le fameux livre écrémé est annoncé à la publication française. Petite danse de la joie, et voici que je m’empresse de vous présenter : la société très secrète des sorcières extraordinaires de Sangu Mandanna. (NB : Pour plus de facilités, nous l’appellerons la STSSE – parce que bon, je ne vais jamais m’en sortir de ce titre à rallonge, sinon.)
La STSSE raconte l’histoire de Mika Moon, une jeune sorcière esseulée dans notre monde actuel, qui reçoit une offre de travail intrigante : devenir la professeure particulière de trois petites sorcières, dans une maison baptisée “Nulle Part”. A l’encontre des règles de la Société des Sorcières, Mika Moon accepte le poste et va faire la découverte des drôles d’habitants de ces lieux.
Cette Société très secrète des Sorcières Extraordinaires est un roman fantastique de 300 pages environ ; il s’adresse à un public jeune adulte, mais saura aussi ravir le cœur des plus grands. Il sera disponible en librairie le 24 août 2023, chez les éditions Lumen. Une date parfaite pour s’offrir une lecture d’été indien et mettre de la douceur dans sa rentrée !
Sangu Mandanna emporte son·a lecteur·ice dans un univers contemporain, pareil au notre (si ce n’est que les sorcières sont réelles). L’autrice évoque le très actuel succès de la sorcellerie New Age sur les réseaux sociaux, et particulièrement TikTok. Si je m’interroge quant à la postérité d’un récit autant forgé dans l’éphémérité des réseaux, cela lui permet toutefois de placer immédiatement son public dans le cœur du récit. Et plus encore, c’est un excellent moyen de parler aux jeunes adultes – le public concerné, je le rappelle.
Plusieurs thématiques jolies et universelles se trouvent dans ce roman. Sangu Mandanna raconte la solitude d’une adulte, l’isolement social et la difficulté de trouver un sens à sa vie dans ces conditions. Ce sujet apporte le thème des relations parentales ; s’entendre avec ses parents, ou tuteur·ices, n’est pas systématique. Le personnage principal s’interroge quant à sa vie d’enfant, ce qui l’a façonnée en l’adulte d’aujourd’hui – entre rancœur, tristesse et acceptation, Mika Moon vadrouille dans ces émotions conflictuelles et cherche à se réconcilier avec. De par l’acceptation du poste de professeure, Mika va découvrir la pédagogie, l’apprentissage aux plus jeunes. Et là encore, c’est un moyen de revenir sur le soi d’aujourd’hui et de se tourner vers l’autre de demain. Quels sont les schémas auxquels mettre fin ? Que transmettre à la nouvelle génération ? Comment y parvenir ? Comment se connecter à l’autre et tisser un lien de confiance ?
L’autrice explore aussi le sujet de la « famille trouvée » ; c’est-à-dire, lorsque des personnages solitaires parviennent à créer une unité familiale ensemble, à mettre en valeur l’importance des familles créées et non pas seulement issues de liens du sang. C’est un arc narratif populaire dans la littérature, en général. Ici, je l’ai trouvé amené avec intelligence et bien porté tout au long du récit. Non seulement, le besoin de création d’unité familiale est justifié par l’histoire de Mika Moon. Mais en plus, la Maison de Nulle Part est tenue par un couple homosexuel. Dans les communautés LGBTQIA+, le questionnement autour de la famille choisie VS famille de sang est très récurrent, et vital à la survie sociale. Sangu Mandanna l’a bien saisi ; elle le narre avec délicatesse et compréhension.
L’autrice fait montre d’une belle maitrise et intelligence dans la caractérisation de ses personnages. En effet, l’autrice a tenu à nous offrir un roman inclusif. Plutôt que d’apposer une étiquette « gay » ou « minorité racisée » et s’en tenir là – ainsi qu’on peut régulièrement le voir, encore aujourd’hui… -, Sangu Mandanna a créé des personnages entiers, définitivement humains. Les diversités des profils racontés sont un « plus », un apport à la compréhension de la personnalité de chacun·e. Et non pas l’élément unique qui les détermine ou les essentialise.
J’ai aussi beaucoup apprécié ce que l’autrice nous enseigne concernant l’amour et la sensualité entre deux personnes. Dans la mesure où c’est un roman pour adolescent·es, c’est un vrai plaisir de découvrir des auteur·ices qui transmettent des messages de respect du corps et des limites de chacun·e. La romance est un aspect important du livre, et somme toute, assez classique – voire cliché. Cependant, la chose est bien amenée, bien construite, et participe au caractère chaleureux du roman. A noter qu’il se trouve une scène très sexy dans le roman – attention aux adolescent·es les plus jeunes !
La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est un roman chaleureux, drôle et adorable. C’est un concentré de joie, un délice de jolies choses de la vie. Le tout est bien fait, rédigé avec soin et adresse. La Société très secrète des Sorcières extraordinaires est une lecture aisée, qui remplit tout à fait ses objectifs : nous offrir un moment détente.
Je remercie Léna d’avoir porté à mon attention l’arrivée de l’édition FR.
A propos de la tendance sorcière sur TikTok, je vous recommande cette vidéo de G Milgram – et de manière générale, de consommer son travail d’enquête d’excellente qualité.
La bise les ami·es,
Bon dimanche.

Toujours des articles de qualité ! J’ai hâte de le découvrir et de pouvoir en parler avec toi 🙂
Merci my dear, j’espère qu’il te plaira !