Cher·es ami·es,
L’automne fait son entrée en ce dimanche ensoleillé, et pour l’accueillir au mieux, j’ai le plaisir de vous présenter un livre à l’atmosphère enivrante – une bulle de ravissement et d’étrange.
Enchantée par Station Eleven d’Emily St. John Mandel, j’ai été ravie de retrouver cette autrice dans son nouveau roman La mer de la tranquillité, publié en français aux éditions Rivages.
La mer de la tranquillité est un roman polyphonique ; au travers de parts de vie d’Edwin, de Mirella, d’Olive et du personnage principal, nous découvrons une faille dans la couture du temps ; un évènement aussi improbable que dérangeant. Dans ce nouveau roman, Emily St. John Mandel s’empare du thème du voyage dans le temps – un sujet cher à sa littérature.
Emily St. John Mandel est une autrice à la voix puissante, dotée d’une plume bien personnelle et aiguisée à la perfection. Pointilleuse et munie d’un sens du rythme affûté, l’autrice alterne entre rimes vocaliques et rimes consonantes, propose alternances et progressions au sein de ses phrases, mais de ses paragraphes aussi – délivrant ainsi une expérience littéraire pleine de poésie. Dans La mer de la tranquillité, l’espace est éthéré, envoûtant de paisibilité et d’obscurités. Emily St. John Mandel commande d’une main de maîtresse les rouages de l’immersion. Auprès d’elle, il fait bon se laisser porter vers les portes de la compréhension, appréciant le chemin pavé par une narration tissée avec précision.
En effet, c’est en moins de 250 pages qu’Emily St. John Mandel parvient à non seulement nous introduire un futur potentiel de l’Humanité, mais aussi à nous présenter et amener à aimer pas moins de quatre personnages aux caractères distincts, et enfin, à dérouler et résoudre une intrigue. Efficace, c’est l’adjectif.
Si l’autrice préfère la justesse d’un mot à l’abondance des descriptions, elle démontre de même, en ce sens, l’économie pertinente d’une narration débarrassée de fioriture. La mer de la tranquillité est l’exemple parfait d’un·e auteur·ice ayant travaillé son œuvre en vue de ce qu’il y a de plus exact. A mon sens, ce roman relève de la prouesse narrative. N’étant pas du genre à faire dans l’excessif, croyez moi bien que je pèse mes mots. C’est un roman très proche de l’idéal, une petite bombe d’excellence.
Puisque la plume seule ne fait pas tout, arrêtons nous un instant sur le contenu de l’histoire. Sans surprise, j’ai là encore trouvé l’autrice brillante.
Emily St. John Mandel décrit avec aisance ce qui traverse ses personnages. Elle est le genre d’autrice qui, en quelques mots seulement, saisit toute la complexité d’un ressenti, sa sensation intérieure et son impact. Emily St. John Mandel vise juste, et bien. Il y a beaucoup de beauté quand elle dit l’inertie d’Edwin, la désertion amoureuse de Mirella, ou encore, la transformation d’observatrice en performeuse d’Olive. La mer de la tranquillité traverse des époques, mais des êtres aussi, et nous ne pouvons qu’éprouver de la tendresse pour ceux-ci. Et par leur prisme, Emily St. John Mandel nous englobe tous : qu’y a-t-il de plus universel que de s’interroger quant au Temps, lui qui définit l’essence même de nos vies ?
Je terminerai par la mention d’une scène, qui, à mes yeux, définit toute l’essence de ce roman. Emily St. John Mandel nous parle d’Olive, autrice au succès tout neuf, qui ne parvient plus à se souvenir de son numéro de chambre d’hôtel, tant toutes sont identiques.
Puisque tout se répète toujours, et puisque le monde touche constamment à sa fin – si, finalement, rien n’a de sens ; alors… Est-ce que cela a vraiment de l’importance ?

La bise les ami·es,
Bon dimanche.